Un jour au banc de l’Ilette à la mi-octobre 2010
Une heure avant le lever du soleil, nous quittons le parking de la Maye pour nous engager dans la baie de Somme. La température est alors de 10°C et un vent de nord ouest nous fait face. Toute la baie est encore plongée dans le noir. Les seules lumières sont celles de St Valery et du phare de Brighton sur notre gauche. C’est marée basse. Sur le sable, on suit les traces de tracteurs laissées par les pêcheurs de coque. Très vite, le sol devient glissant : on ôte chaussettes et chaussures pour traverser la rivière Maye, profonde à ce niveau de 60 à 70 cm. L’essentiel, est de garder son équilibre lors du rhabillage pour ne pas tremper les chaussettes… Puis il reste environ 45 minutes de marche pour atteindre le spot d’observation. On distingue à droite, la masse sombre de la dune du Marquenterre. Sa pointe nous sert de repère. La mer est loin, on n’entend aucun bruit, à part les cris des oies du parc, celui d’un courlis cendré qui s’envole ou les tsiii, tsiii de quelques grives mauvis qui migrent et passent au dessus de nous dans la nuit. La baie est une immense étendue de sable toute plate. On croise des traces de sangliers… Arrivés près du spot, nous avons la surprise de voir, dans le clair-obscur, un troupeau de mouflons : un mâle avec ses grandes cornes nous regarde un instant avant de s’éloigner... Il reste à franchir les buissons d’argousiers et voila le « spot du banc de l’Ilette », une petite dune devant la forêt de pins. Nous sortons jumelles et longue-vue. Tout est calme. A l’est, les nuages se colorent peu à peu de magnifiques tons jaune orange qui contrastent avec les prairies du Marquenterre encore noires. Le lever de soleil éclaire peu à peu le paysage et nous offre une superbe vue : toute la baie avec la pointe du Hourdel juste au sud et la pleine mer à l’ouest. Au premier plan, le sable du banc de l’Ilette envahi par la végétation.
Des cormorans passent en vagues successives dans le ciel. Ils partent ainsi tous les matins pêcher au large. On ne les comptabilise pas. Par contre, les premiers migrateurs se font entendre : les Pinsons du nord dont les couinements se mêlent aux cris des Pinsons des arbres. Ils passent très vite, direction plein sud. A peine le temps de vérifier à la jumelle la barre alaire blanche de l’un ou la queue échancrée de l’autre. 20, 30….. Les Pinsons des arbres passeront quasiment toute la matinée : ce sont les plus nombreux. Certains jours, on compte plus de 10 000 passages. Un autre cri : le tsli vitt d’une Bergeronnette grise. Où est-elle ? Ah oui ! la petite silhouette avec une longue queue tout là haut. Elle file aussi et disparaît rapidement. En l’observant à la jumelle, on découvre encore plus haut, un groupe de points noirs assez dispersés qui s’agitent tout en allant dans la même direction : sans doute des Tarins des aulnes. Leurs cris lèvent le doute… Puis le ciel est à nouveau calme, on n’entend que le tik, tik du Rougegorge ou le cri sonore de l’Accenteur dans les argousiers. Mais que font toutes ces petites Mésanges noires autour de nous ? Elles volètent de buisson en buisson et semblent se regrouper : c’est une migration rampante : associées à quelques Mésanges bleues, elles vont finalement décider de partir ensemble au dessus de la baie : 4 bleues et 11 noires. Elles sont passées. Beaucoup d’autres migrateurs hésitent aussi devant cette immensité qui ne doit pas leur convenir : un vol de 6 Chardonnerets arrive tout en gazouillant mais découvrant l’eau, d’un commun accord, ils font demi-tour et repartent dans les pins protecteurs. Tchac, tchac, tchac, 2, 4…18 Grives litornes passent sans hésiter à notre gauche pendant qu’un nuage d’Étourneaux sur la droite s’étale, se sépare en 2, se regroupe, monte et descend évoluant sans cesse comme un banc de poissons, puis se dirige enfin vers le sud : 150, 200… Étourneaux sont passés. Pyu…pyu .. le petit cri discret de 5 Bouvreuils pivoines : un mâle dans sa tenue rouge et noire se pose sur les argousiers devant nous. Magnifique ! Et la femelle moins colorée mais tout aussi élégante se pose juste à côté. Instant magique !...
Entre 2 passages, on peut contempler à la longue vue, les 500 Huitriers pies qui se nourrissent près du rivage et suivent la marée montante. On entend même le grondement de quelques phoques qui paressent sur les derniers bancs de sable.
10h30, la température monte : 11°C. C’est l’heure des rapaces. Les 2 Faucons crécerelles et le Busard des roseaux locaux chassent dans les dunes. Un Épervier sort des pins et s’élance au dessus de la mer. Bientôt il n’est plus qu’un point qui disparaît des jumelles. 2 Buses variables montent en tournant dans le ciel, de plus en plus haut, puis se décident à partir. Un Faucon pèlerin se lance aussi puis au milieu de la baie fait demi tour et repart vers le nord : peut-être, qu’il veut se régaler d’un de ces petits passereaux avant de continuer sa migration demain…
Bientôt 14h : fin du protocole officiel. Kip, kip, kip : 8 Bec-croisés se perchent au sommet des pins juste à notre hauteur : De fiers oiseaux rouges posés sur les pins verts et sur fond de ciel bleu. Juste le temps d’une photo avant leur départ. Kip, kip, kip direction l’Espagne...
Prrit prrrit, 22 Alouettes des champs veulent aussi entrer dans les listes avec parmi elles un petit oiseau à la queue très courte : une Alouette lulu. Toutes filent également vers le sud.
Nous retournons alors vers le parking de la Maye en évitant de déranger les Bernaches cravants qui pâturent ou les Tadornes de belon. Ils ont besoin de cette halte en baie pour se nourrir et pouvoir ainsi continuer sans problème leur migration sur des milliers de kilomètres.
Odile PLATEAUX
Tous les oiseaux observés n’ont pas été cités. Pour davantage d’informations, voir le site Internet « http://www.migraction.net »
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