En ce qui concerne l’élaboration du document nous approuvons la méthodologie régionale appliquée afin d’appréhender la problématique des besoins et ressources à l’échelle de la région.
Nous nous interrogeons cependant sur la nomination au sein du comité de pilotage de l’association "Nature et Citoyenneté" alors que cette dernière n’existe tout simplement plus depuis plusieurs années. Nous nous interrogeons également sur l’absence du Conservatoire Botanique National de Bailleul, pourtant reconnu pour son expertise à l’échelle de la région.
D’une manière générale, bien que nous sachions qu’un tel schéma nécessite beaucoup de temps pour son élaboration, le document présenté dans cette consultation et lors de la commission départementale de la nature, des sites et des paysages du 13 juin 2013 souffre d’un manque d’actualité et de mise à jour de certaines données ou documents, ce qui vient minimiser sa portée.
Ainsi il aurait été préférable de prendre en compte les conclusions des travaux de l’observatoire régional des déchets du BTP, datant de 2012, ou de porter des corrections sur le calendrier d’élaboration du Schéma régional de cohérence écologique.
Les chapitres traitant des besoins et des modes d’approvisionnement montrent un décalage dans les données utilisées. Les données prises en compte pour évaluer les besoins datent de 2007 alors que ce sont les données de l’UNICEM de 2008 qui ont été utilisées pour évaluer les flux des matériaux. Ceci aboutit à une différence de 340 000 tonnes de matériaux consommés entre 2007 et 2008 sans qu’aucune explication ne soit donnée.
Sur quelle base s’est-on alors appuyé pour identifier les besoins à venir ?
Les tableaux présentés dans ces deux chapitres sont confus et difficiles à appréhender, ce qui est particulièrement gênant pour un document soumis à la consultation publique.
Les cartographies mises en annexe auraient dû être intégrées au document principal, avec un schéma conceptuel pour faciliter la compréhension des flux et origines géographiques des matériaux (les annexes ne sont pas obligatoirement lues..).
Nous sommes étonnés également de constater que le projet de Canal Seine Nord Europe (CSNE) figure dans les chantiers à venir alors que son avenir reste incertain et son tracé non défini.
Sur quelle base se justifie la majoration due au CSNE de 149000 tonnes des besoins des 10 prochaines années ?
La questions du recyclage des déchets du BTP reste sous-traitée bien que figure l’objectif de doubler les volumes. Le recyclage des déchets du BTP est une filière créatrice d’emploi à fort potentiel de croissance. La Picardie a sans aucun doute un rôle important à jouer en créant de la valeur ajoutée sur des déchets.
Les conseils généraux de la Somme et de l’Oise vont lancer début 2014 leur plan départemental de gestion des déchets du BTP, il nous paraît important de créer une passerelle entre ces plans départementaux et les schémas départementaux des carrières.
Nous regrettons également que les carrières inférieures à 50 000 tonnes/an soient exclues de ce schéma, impossible de connaître leur influence sur l’économie et l’environnement dans ces conditions.
Aucune indication n’est faite sur les volumes autorisés actuellement ni sur la durée des autorisations.
Il est affiché l’objectif de développer les modes de transport doux. Cet objectif nous paraît cohérent au regard de la localisation des extractions, très largement situées sur le littoral picard alors que les besoins sont majoritairement localisés dans l’Amiénois et que les contraintes environnementales sur ce secteur sont fortes.
Il est fait mention d’une étude au sujet de la création d’un opérateur ferroviaire de proximité, cependant aucun échéancier n’est communiqué. Nous craignons que l’installation d’une carrière entre l’Étoile et Amiens ne vienne réduire à néant cette promesse, c’est pourquoi nous demandons que cette étude soit prioritaire ainsi que la faisabilité de réutiliser les gabarits Freycinet sur la Somme.
Dans la perspective de la mise en place de la redevance poids-lourds ces pistes nous semblent des plus intéressantes.
4. La protection de l’environnement
Là aussi les approximations sont trop nombreuses et viennent entacher la lecture et la compréhension du document.
Ainsi les zones humides ne sont pas définies, il aurait été judicieux de donner une définition pour que tous les acteurs s’accordent sur ce qu’est une zone humide, à différencier d’un plan d’eau...
Les impacts des carrières sont insuffisamment décrits dans leur ampleur. Nous considérons que les modifications ne sont pas temporaires mais sur du très long terme au regard de la durée des autorisations d’exploitations accordées, surtout quand celles-ci font l’objet de prolongation ou que la remise en état du site ne correspond pas à l’origine du terrain.
Les impacts positifs décrits dans le document ressemblent plus à des mesures compensatoires et les remises en état exemplaires de carrières sont très rares et ne sont surtout pas acquises à long terme si les mesures de gestions ne sont pas suivies.
La notion d’impacts cumulés n’est pas du tout abordée alors que les carrières sont généralement concentrées.
Le tryptique ERC, éviter - réduire - compenser, n’est pas rappelé, le document semble privilégier directement les mesures compensatoires alors que celles-ci ne sont qu’à utiliser en dernière solution.
Ce schéma semble avoir un impact considérable sur la consommation des terres agricoles avec plus de 800 ha de terres consommées à l’échelle régionale pour être majoritairement transformées in fine en base de loisir... Cette consommation de terres est-elle en accord avec la loi MAP du 27 juillet 2010 ?
Concernant le zonage, les cartes présentées sont incomplètes, une partie du département est systématiquement tronquée.
Bien que les définitions des zonages violet et rouge semblent assez claires, nous restons dubitatifs sur la définition du zonage jaune : "enjeux forts à moyens - l’étude d’impact devra prendre en compte de manière approfondie certains enjeux locaux". Ceci n’était pas le cas avant ? En dehors de ce zonage jaune les études d’impacts peuvent être superflues et ne pas prendre en compte les enjeux locaux ? Définition bien curieuse qui ne semble pas correspondre au cahier des charges des études d’impacts règlementaires.
De plus la carte du zonage jaune prête à confusion car elle englobe les secteurs interdits et à éviter alors qu’ils auraient dû être exclus du zonage jaune.
L’utilisation systématique des "situations particulières" et "exceptions" réduit considérablement la portée de ces zonages et semble favoriser certains projets. Il n’y a pas meilleurs moyens pour faire du clientélisme et du cas pas cas, oubliant l’intérêt général du schéma.
Pour résumer, une phrase nous interpelle à la page 59 : "Il est nécessaire que les objectifs de protection du milieu présentés ne compromettent pas, en rendant inaccessibles les ressources considérées jusqu’alors, la faisabilité des scénarios d’approvisionnement retenus."
Voilà une phrase qui résume l’esprit du document : exploiter sans soucis en faisant preuve d’exception.
Ceci nous paraît en contradiction avec la définition faite des schéma départementaux des carrières par l’article l515-3 du code de l’environnement où le schéma "prend en compte l’intérêt économique national, les ressources et les besoins en matériaux du département et des départements voisins, la protection des paysages, des sites et des milieux naturels sensibles, la nécessité d’une gestion équilibrée de l’espace, tout en favorisant une utilisation économe des matières premières. Il fixe les objectifs à atteindre en matière de remise en état et de réaménagement des sites."
Par ailleurs, nous attirons très sérieusement, votre attention sur l’approche faite dans ce document du concept de développement durable.
Au regard des gisements en granulats alluvionnaires estimés au maximum à 500 millions de tonnes et des besoins estimés au minimum à 10 millions de tonnes par décennie ;
Sachant qu’une partie des gisements ne pourra être exploitée pour des motifs de protection de l’environnement, le stock sera certainement épuisé dans moins deux siècles. Nulle part n’apparaît la création de réserves pour les générations futures.
Nous estimons qu’un plan qui ne prévoit que des modalités d’exploitation de ressources non renouvelables ne respecte pas l’esprit de la charte de l’environnement, texte de valeur constitutionnelle.
Au regard des observations faites sur ce projet nous constatons que les objectifs définis par la réglementation ne seront pas atteints ici, et ne semblent pas répondre à l’intérêt général. C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur ce projet de schéma.
Avis de Picardie Nature sur le projet de schéma départemental des carrières :
Association régionale de protection de la Nature et de l'Environnement
membre de France Nature Environnement, agréée par les ministères de l'Écologie et de l'Éducation Nationale
Picardie Nature - 233 rue Eloi Morel - 80000 AMIENS
- Tél. 03 62 72 22 50
Association loi 1901 déclarée en préfecture le 4 mars 1970 - siège social : 233 rue Eloi Morel - 80000 Amiens
Siret 381 785 120 00043 - APE 9104Z