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Recherche des gîtes estivaux de Nyctalus noctula en Picardie

Publié le 30 novembre 2022 par Antoine Pudepièce, Morgan Boulay

Introduction

La perte de biodiversité touche l’ensemble des taxons à l’échelle française (OFB, 2022) . Les mammifères sont particulièrement concernés par ce recul. En effet, 14% des espèces menacées sont des mammifères en France métropolitaine en 2017 (UICN France, 2017). La fragmentation et la destruction des milieux naturels, la pollution des écosystèmes ou encore le changement climatique sont des facteurs déterminants pour la conservation des espèces (Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 2022). Les chauves-souris sont particulièrement sensibles à ces facteurs.
La Noctule commune est une espèce dont le statut de menace est particulièrement préoccupant. En effet, entre 2009 et 2017 son statut de conservation s’est détérioré évoluant de quasi menacée à vulnérable (UICN France, 2017) avec un déclin de la population métropolitaine s’élevant à 88 % en 13 ans (Bas et al., 2020). Parmi les causes de son déclin figurent l’abattage d’arbres gîtes, la détérioration des zones humides, l’implantation de parcs éoliens, la gestion forestière intensive et la rénovation de bâtiments utilisés par celles-ci (Arthur & Lemaire, 2021).
Le déclin de cette espèce est également lié à la méconnaissance de ses gîtes qui ne sont par conséquent pas protégés. Des initiatives locales visent à recenser cette espèce et à protéger ses gîtes. En région Centre Val de Loire et en Bretagne, la recherche diurne des cris sociaux de la Noctule commune ont permis la découverte de plusieurs arbres-gîtes (Indre Nature, 2020).

En Picardie, la Noctule commune est présente de manière hétérogène. Elle est commune dans l’Oise tout au long de l’année. Cependant, elle est considérée comme assez rare dans la Somme et dans l’Aisne (Arthur & Lemaire, 2021). Dans ces deux départements, peu d’observations sont recensées dans la base de données régionale Clic nat. Dans l’Oise, 3 gîtes de l’espèce sont connus (une Abbaye et deux arbres gîtes), 1 gîte est connu dans l’Aisne (un arbre gîte) et aucun gîte n’est connu dans la Somme. D’après les cartes prédictives de la distribution des chiroptères en France réalisée par le MNHN (Bas et al., 2022), la Noctule commune semble être présente le long de la vallée de la Somme (Figure 1).

Figure 1 : Présence de la Noctule commune au 10/11/2022 sur la zone d’étude ⓒ Clicnat.

En effet, d’après la base de données Clic nat, 16 occurrences de l’espèce sont connues dans cette vallée dont 8 dans la métropole amiénoise. Cette ville est traversée par le fleuve de la Somme offrant un habitat favorable à la Noctule commune (Arthur & Lemaire, 2021). Ainsi, afin d’améliorer sa préservation, il est important d’identifier ses gîtes.

Nous avons donc cherché à localiser les gîtes de Noctule commune (Nyctalus noctula) dans les secteurs où l’espèce est considérée comme rare ou assez rare. Ici, nous présenterons le cas d’Amiens métropole et du protocole expérimenté.

1. Matériels et méthodes
a. Secteur d’étude

Différentes méthodes pour la recherche des gîtes de la Noctule commune ont été expérimentées en Picardie (Baillet, 2020) et ailleurs en France (Defernez & Le Campion, 2018). La capture de noctules est complexe en raison de la hauteur du vol des individus. L’écoute passive nécessite un temps d’analyse acoustique qui peut s’avérer long auquel s’ajoute le temps nécessaire pour poser et récupérer le matériel. Ainsi, pour cette espèce facilement diagnosticable en hétérodyne, la détection acoustique et l’observation visuelle in situ semblent être plus adaptées.

Le secteur d’étude correspond à un rayon de 7 km autour d’Amiens où l’espèce recherchée est présente en acoustique en période estivale (Figure 2). Ce rayon, réalisé à l’aide de QGIS, a été choisi afin de couvrir l’entièreté d’Amiens métropole. Un état initial des connaissances de la Noctule commune sur le site a été réalisé en récupérant un maximum de données existantes sur le site.

Figure 2 : Rayon de 7 km autour d’Amiens ⓒ Open street maps.

b. Maillage du territoire

Une fois la zone d’étude définie, un maillage a été appliqué. Ce maillage doit permettre d’acquérir des données de noctules communes pour mieux caractériser les zones utilisées par l’espèce. La Noctule commune peut être détectée jusqu’à 100 m en milieu ouvert. C’est l’espèce avec la plus grande distance de détection des Hauts de France (Barataud & Tupinier, 2012).
Ainsi, lorsque deux inventaires sont réalisés simultanément sur deux mailles voisines, la distance optimale semble être de 200 mètres pour éviter les doubles comptages (Defernez & Le Campion, 2018).
Cependant, un maillage de 200 mètres induirait un effort d’échantillonnage non réalisable. Afin d’obtenir un nombre de mailles en adéquation, avec les moyens humains disponibles, nous avons fait le choix d’utiliser un maillage de 500 mètres (Figure 3).

Figure 3 : Maillage de 500 m du territoire ⓒ Open street maps.

c. Protocole acoustique actif en point fixe

La phase acoustique consiste à effectuer au moins un point d’écoute par maille. L’objectif est de déterminer si un gîte de Noctule commune se situe à proximité du point d’écoute en analysant les heures de contact. Le point d’écoute est à effectuer dans un endroit le plus favorable possible au sein de la maille : zone humide, alignement d’arbres, lisière. Dans tous les cas, un espace suffisamment dégagé sera privilégié pour pouvoir capter les signaux acoustiques. Afin de prioriser la recherche, les mailles les plus favorables dans un rayon de 500 m des zones humides ont été inventoriées en premier lieu et constituent la zone d’étude prioritaire (Kronwitter, 1988).

Le point d’écoute est fixe et à effectuer avec un détecteur actif. Les détecteurs utilisés sont des D240x, des Teensy recorders et des Echometers Touch 2 Pro. Le détecteur doit être laissé sur la fréquence optimale de 19 kHz pour entendre la Noctule commune (Swen, 2014). Ce protocole commence 15 min avant le coucher du soleil et prend fin après le premier contact de noctule commune ou 1 heure après le coucher en l’absence de contact. Les points d’écoute sont à réaliser lorsque la température du coucher de soleil est supérieure à 10°C, lorsque le vent est faible et en l’absence de pluie (Silva, 2009).

Lors de ce suivi, plusieurs points sont à noter :
• Heure du premier contact de Noctule commune (heure satellite).
• Conditions de l’inventaire : température (en°C), nébulosité, heure d’arrivée et de départ du site et heure de coucher du soleil.
• Optionnel : heure du premier contact de Pipistrelle commune ; L’objectif de cette donnée est de comparer l’heure du premier contact de Pipistrelle par rapport au premier contact de Noctule commune. Cela pourrait permettre de s’affranchir de la nébulosité qui joue beaucoup sur l’heure de sortie des chauves-souris.
• Remarque(s).

Ce protocole est très souvent couplé au protocole de recherche des flux de déplacement. Dans ce cas, nous avons également noté le nombre total de contacts acoustiques.

d. Protocole des flux de déplacement

La recherche des flux de déplacement s’effectue avec un détecteur à ultrasons. Les détecteurs utilisés sont des D240x, des Teensy recorders et des Echometers Touch 2 Pro. L’objectif est d’observer la direction utilisée par les noctules en début de nuit (sortie de gîte) ou en fin de nuit (rentrée au gîte). Le détecteur à ultrasons, réglé en permanence sur la fréquence optimale de la Noctule commune (Swen, 2014), alerte du passage d’un individu. L’observateur cherche alors la direction utilisée par l’individu.
L’observation des noctules est facilitée entre le coucher du soleil et le crépuscule et entre l’aube et le lever du soleil. Ce protocole doit se faire en point fixe de 15 minutes avant le coucher du soleil ou de l’aube et jusqu’au crépuscule ou le lever du soleil (Kronwitter, 1988). Le point choisi doit être dégagé pour faciliter l’observation des Noctules.

La recherche des flux de déplacement est à réaliser lorsque la température lors du coucher ou du lever du soleil est supérieure à 10°C, lorsque le vent est faible et en l’absence de pluie (Silva, 2009).

Lors de ce suivi, plusieurs points sont à noter :
• Comportement (Chasse ou Transit) : les individus déjà en chasse ne sont pas comptabilisés.
• Heure des contacts visuels.
• Trajectoire de vol de chaque individu (ex : Nord vers Sud).
• Conditions de l’inventaire : température (en°C), nébulosité, heure d’arrivée et de départ du site.
• Remarque(s).

Ce protocole est très souvent couplé au protocole de recherche acoustique. Dans ce cas, nous avons également noté le nombre total de contacts acoustiques.

e. Protocole des cris sociaux

La recherche des cris sociaux consiste à se déplacer à pied le long d’allées d’arbres, de lisières ou de bâtiments favorables, tout en restant attentif à l’émission de cris sociaux. Cette recherche s’effectue de 2 heures avant le coucher du soleil jusqu’à la tombée de la nuit (Billard & Chatton, 2021). Pour faciliter l’audition des cris sociaux, un détecteur à ultrasons peut être utilisé.

Les transects sont à réaliser lorsque la température du coucher du soleil est supérieure à 10°C, lorsque le vent est faible à modéré et en l’absence de pluie, pendant les mois de juin et juillet (Billard & Chatton, 2021).

Lors de ce suivi, plusieurs points sont à noter :
• Heure de l’audition du cri social (heure satellite).
• Enregistrement des cris sociaux.
• Point GPS où le cri social a été entendu.
• Photos de l’endroit d’où sont émis les cris sociaux et leurs alentours.
• Conditions de l’inventaire : température (en°C), vent (faible / modéré), heure de début et de fin du transect et heure de coucher du soleil.
• Type d’habitat favorable prospecté (arbres / bâtiments).
• Trajet exact effectué.
• Remarque(s).

f. Protocole du suivi du gîte découvert

La sortie de gîte consiste à observer les chauves-souris sortir de leur gîte. Elle commence 15 minutes avant le coucher du soleil sous le gîte identifié. L’ensemble des individus est dénombré lors de l’envol. Un détecteur à ultrasons peut être utilisé pour attirer l’attention de l’observateur lors de la sortie des noctules. Le protocole s’arrête 15 minutes après le dernier individu sorti ou 1h après le coucher du soleil en l’absence d’individus sortis (Kronwitter, 1988). Une sortie de gîte hebdomadaire est réalisée une fois le gîte découvert.

Les sorties de gîte sont à réaliser de préférence lorsque la température lors du coucher du soleil est supérieure à 10°C, lorsque le vent est faible à modéré et en l’absence de pluie (Silva, 2009).

Lors de ce suivi, plusieurs points sont à noter :
• Heure de sortie du premier individu.
• Heure de sortie du dernier individu.
• Conditions de l’inventaire : température (en°C), vent (faible / modéré).
• Nombre total d’individus sortis.

Les moyens humains et matériels détaillés, nécessaires à la réalisation de cette étude sont présentés après la conclusion.

2. Résultats et discussions
a. Analyse des protocoles
1. Les inventaires réalisés

La zone d’étude, divisée en carrés de 500m de côté, correspond à un total de 784 mailles. Aux vues de l’écologie de l’espèce, les mailles dans un rayon de 500 mètres des zones humides ont été priorisées, à l’instar des boisements (Billard & Chatton, 2021 ; Kronwitter, 1988). Ce tampon correspond à 347 mailles (Figure 4). Au total, 43 mailles ont été inventoriées au sein de la zone d’étude (Figure 5). Une maille inventoriée est définie comme une maille où le protocole acoustique actif en point fixe et/ou flux de déplacement a été appliqué. Certaines mailles ont été inventoriées plusieurs fois, sur l’ensemble de l’étude 63 inventaires ont été réalisés.

Figure 4 : Zone de prospection prioritaire située dans un rayon de 500m autour des zones humides (carrés bleus) ⓒ Open street maps.

Figure 5 : Mailles inventoriées (carrés verts) au sein de la zone d’étude. Les points rouges représentent les points d’écoute réalisés Ⓒ openstreet maps.

2. Analyse de l’acoustique actif en point fixe

Lors du protocole acoustique actif en point fixe, nous avons mesuré l’écart entre le premier contact acoustique de Noctule commune et le coucher du Soleil (Figure 6). La sortie de gîte, lors de bonnes conditions météorologiques, est assez prévisible en fonction du coucher du soleil (Kronwitter, 1988). Le premier contact acoustique semble être un bon indicateur pour connaître la proximité au gîte (Defernez & Le Campion, 2018). Lorsque le premier contact acoustique a été obtenu jusqu’à 10 minutes après le coucher du soleil, un gîte se situait à moins de 1 kilomètre.
Un gîte printanier est hautement suspecté au sein des mailles T20, T21, U21 et V22. Cependant, l’effort de prospection n’a pas été augmenté et le gîte n’a pas été trouvé. Quelques semaines plus tard, l’activité sur ces points était beaucoup plus faible, indiquant probablement un changement de gîte.

Ainsi, il est pertinent d’augmenter l’effort de prospection rapidement lorsque le premier contact acoustique est inférieur à 10 minutes après le coucher du soleil.

Figure 6 : Écarts en minutes entre le premier contact de Noctule commune et le coucher du soleil par maille ⓒ Open street maps.

3. Analyse du nombre de contact total

Lorsque le protocole acoustique actif en point fixe était couplé au flux de déplacement, nous avons relevé le nombre total de contacts acoustiques de Noctule commune. Seul le dernier inventaire réalisé par maille est présenté dans la figure 7. Les inventaires comportant plus de 10 contacts étaient à moins de 1,5 km du gîte découvert. Les deux inventaires à plus de dix contacts ont été réalisés à 3 jours d’intervalles, soit dans une fenêtre temporelle très courte.

Figure 7 : Nombres de contacts de Noctule commune par maille lors du dernier inventaire effectué ⓒ Open street maps.

La Noctule commune, change de gîte régulièrement (Ruczyński et al., 2010) et ainsi, il est important d’intensifier l’effort de prospection lorsque plus de 10 contacts de Noctule commune sont obtenus et que les premiers contacts sont très tôt dans la soirée, avant 10 minutes après le coucher du soleil. Cette intensification peut aussi se faire en réalisant des recherches matinales de flux pour mieux orienter les prospections du soir.

4. Analyse des flux de déplacement

Les flux de Noctule commune ont été étudiés (Figure 8). Cependant, trop peu de données ont été relevées pour déterminer l’intérêt de cette variable. En effet, la détermination de la direction des individus en vol s’avère régulièrement difficile en raison du manque de visibilité bien que les inventaires aient lieu dans des espaces dégagés. Seulement 4 données ont été recueillies sur les 63 inventaires réalisés (Figure 9). Les cris d’écholocation de la Noctule commune ont une longue portée ce qui permet de détecter les individus même lorsqu’ils sont en dehors du champ de vision de l’observateur.
Lors de la recherche matinale de flux, l’observation des individus en vol est plus facile et permet de mieux orienter les prospections du soir.

Figure 8 : Direction des individus en vol par maille lors des inventaires ⓒ Open street maps.

Figure 9 : Résultats des différents protocoles appliqués ⓒ Open street maps.

b. Le gîte découvert
1. Les données sur le gîte

Le gîte a été découvert le 14 juin 2022 (Figure 10), ce dernier se situe sur la commune de Glisy (80). Les noctules sont dans un Peuplier noir vivant à environ 18m de hauteur dans un trou de pic, probable Pic épeiche (Dendrocopos major), se situant sur un rameau cassé (Figure 11). A 1m30 de hauteur de l’arbre le diamètre est de 80,5 cm. Cet arbre se situe en bordure d’un chemin à 13,8 m d’un étang (Figure 12). Dans un secteur où peu de forêts sont présentes, la Noctule commune semble privilégier des arbres à proximité directe de zones humides (Kronwitter, 1988).

Figure 10 : Bénévoles devant l’arbre gîte lors de sa découverte Ⓒ A. PUDEPIECE.

Figure 11 : Arbre gîte utilisé par la Noctule commune. Ⓒ M. BOULAY et Ⓒ A. PUDEPIECE.

Figure 12 : Chemin pédestre dans le marais de Glisy Ⓒ A. PUDEPIECE.

A l’origine, les Noctules communes utilisent uniquement des gîtes arboricoles de feuillus. Avec le temps, elles se sont adaptées à la vie urbaine en utilisant des bâtiments. L’essence préférée par la Noctule commune en milieu forestier est le Chêne, cette essence peut avoir un tronc large et posséder de nombreux dendro microhabitats favorables aux noctules.
En milieu urbain, la noctule utilise régulièrement les allées de platanes qui possèdent des cavités liées aux coupes de sécurisation (Arthur & Lemaire, 2021) .
En l’occurrence, les noctules ont choisi d’élire domicile dans un peuplier. Cette essence à croissance rapide est souvent plantée dans les milieux humides à des fins sylvicoles, les peupleraies. A Glisy, les peupliers sont au bord d’un chemin pédestre. Ces derniers n’ont pas été exploités à des fins sylvicoles et ont ainsi pu croître considérablement. Ils possèdent de nombreux dendro microhabitats favorables aux chiroptères : trous de pics, rameaux cassés, fissures.
Dans les marais de Glisy, une jeune peupleraie est présente à 550m de l’arbre gîte identifié (Figure 13). Lors d’une recherche matinale, 4 noctules communes sont rentrées dans cette peupleraie. L’arbre gîte exact n’a pas été identifié.

Figure 13 : Peupleraie à 550 m de l’arbre gîte découvert Ⓒ A. PUDEPIECE.

2. Suivi des individus

Le gîte a été suivi hebdomadairement par la réalisation de sorties de gîte. Lors de sa découverte, le 14 juin 2022, 13 individus ont été comptabilisés, cet effectif est resté stable jusqu’au 5 juillet où l’effectif est passé à 19 individus. Quelques semaines plus tard, le 23 juillet, l’ensemble des individus était parti.

On peut supposer que l’augmentation des effectifs est liée à l’envol des juvéniles de Noctule commune. Cependant, il peut également s’agir d’un report d’un gîte voisin, ce qui n’est pas à exclure puisque 4 individus ont été observés le 28 juin entrant dans une peupleraie à 550 m du gîte découvert.

Si le gîte est encore utilisé l’année prochaine, plusieurs techniques pourront être mises en place pour déterminer le sexe des individus (capture d’individus ou inspection du gîte avec une caméra ou analyse du guano.

3. Gestion et protection du gîte à long terme

Le site des étangs de Glisy est communal et est géré par le Conservatoire des Espaces Naturels des Hauts de France.
La mairie, enthousiaste quant à la découverte, a immédiatement réalisé une publication sur leur site internet et va intégrer un article sur cette espèce dans son journal communal distribué à l’ensemble des habitants.
Le Conservatoire des Espaces Naturels des Hauts de France a été rencontré et va prendre en compte cette découverte dans la gestion du site. En effet, les peupliers du marais appartiennent pour la plupart à une même génération d’arbres. Une problématique de renouvellement des arbres avec des potentialités d’accueil pour les noctules se pose donc à moyen et long terme. Avec Picardie Nature, plusieurs axes de travail ont été définis :
• Renouvellement des arbres abattus ou morts sur le site.
• Travail sur plusieurs générations d’arbres afin d’obtenir une continuité à long terme d’arbres susceptibles d’accueillir la biodiversité.
• Solutions à définir pour la période de transition entre le vieillissement des arbres actuels et le développement des arbres plus jeunes.

c. Optimisation du protocole

Le protocole acoustique semble avoir un biais important, en observant régulièrement les noctules communes sortir de leur gîte, nous avons remarqué qu’elles sortaient régulièrement à partir de 10 min après le coucher du soleil. Ainsi, tous les contacts acoustiques obtenus jusqu’à 10 min après le coucher du soleil sont potentiellement à proximité directe d’un gîte. Tous les contacts recueillis entre 10 min et 1 heures après le coucher du soleil semblent indiquer que le gîte est à plus de 1 kilomètre du point d’écoute.

Dans ce protocole, les heures des premiers contacts de pipistrelles ont été relevées par certains observateurs. L’objectif était de comparer les heures des premiers contacts de Noctules avec le coucher du soleil et le premier contact de Pipistrelle. La comparaison entre le premier contact de noctules et le coucher du soleil est biaisée à cause notamment de la couverture nuageuse qui influe sur l’heure de sortie de gîte des chauves-souris. Pour donner suite à ce constat, comparer les heures de premiers contacts de noctules avec les premiers contacts de pipistrelles semble intéressant pour lisser le biais météorologique. Cependant, la non-homogénéité de répartition des pipistrelles semble créer un biais. Il serait intéressant de savoir quelle référence présente le biais le plus faible pour l’analyse des premiers contacts acoustiques. Dans cette étude, le nombre de données de premier contact de pipistrelle n’était pas suffisant pour réaliser une analyse.

Le protocole des flux de déplacement est complexe à mettre en œuvre le soir car les individus sont rapides et volent à haute altitude vers leurs sites de chasse.
Ce protocole semble plus efficace le matin. En effet, certains individus chassent à proximité directe de leur gîte, d’autres volent bas, à hauteur de canopé, avant de rentrer dans leur gîte et d’autres individus tournoient à proximité de leur gîte (Kaňuch, 2007).
Toutes ces actions permettent de mieux observer les flux de déplacement lorsqu’on se trouve à proximité d’un gîte.

Le protocole de recherche des cris sociaux est difficilement applicable sur ce site car les cris des noctules étaient peu audibles. Ce phénomène peut être lié à une résonance faible de la cavité, à son orientation (vers un milieu ouvert, une prairie) ou à un comportement des individus moins bruyants que d’autres colonies. Ainsi, il est nécessaire de rester de longues minutes sous chaque arbre pour être exhaustif (même dans un arbre avec 19 individus). De plus, l’oreille humaine n’est pas habituée à entendre de tels sons, il est nécessaire d’être entraîné à cet exercice pour les détecter efficacement. Plusieurs bénévoles ont indiqué ne pas entendre les cris sociaux, même en se positionnant sous l’arbre gîte.

Le suivi du gîte de noctules s’est révélé aléatoire, conformément aux retours d’expériences à ce sujet, les noctules peuvent ne pas quitter leur gîte alors que la météo est favorable (Arthur & Lemaire, 2021). Ainsi, il est nécessaire de réaliser au moins une sortie de gîte hebdomadaire pour bien suivre l’évolution des effectifs.

Conclusion

Ce protocole a permis la découverte du premier arbre gîte pour la Noctule commune au sein du département de la Somme où l’espèce est assez rare. Il s’agit d’un trou de pic situé sur un peuplier au sein d’un marais dans la vallée de la Somme. 13 individus ont pu être dénombrés dans les premiers comptages et les effectifs ont augmenté à 19 individus. Cette découverte met en évidence la nécessité de prendre en compte les peupleraies et, de manière générale, les alignements d’arbres. Les peuplements monospécifiques dans les habitats favorables aux chauves-souris doivent également être pris en compte. Et plus particulièrement lorsqu’ils sont associés à d’autres facteurs environnementaux favorables aux chauves-souris comme la proximité d’une zone humide ou la présence de microhabitats.

La Noctule commune n’était jusqu’alors pas connue pour utiliser les peupliers. De manière générale, les peupliers sont rarement considérés comme des arbres d’intérêt pour les chauves-souris. Cette considération entraîne l’exploitation de ces boisements monospécifiques que sont les peupleraies sans précautions. Pourtant de nombreuses peupleraies sont implantées sur des zones humides, or les zones humides sont connues pour être des espaces d’intérêt des chauves-souris. Ainsi, il serait profitable pour la biodiversité de considérer les peupleraies comme des espaces sensibles nécessitant des investigations avant leur altération (coupe, modification du régime hydrique du site etc.). En effet, les boisements monospécifiques lorsqu’ils sont associés à d’autres facteurs peuvent devenir des sites d’intérêt pour les chauves-souris.
Concernant la Noctule commune, les peupleraies offrent également l’avantage d’être plantées de manière espacée, compatible avec son vol. Il est donc probable que notre cas d’étude soit transposable à d’autres secteurs, un autre gîte de Noctule commune est suspecté sur le marais de Glisy, dans une peupleraie.

Moyens mis en œuvre
a. Les Moyens humains

L’étude a été réalisée uniquement par des bénévoles. 2 bénévoles encadrants, Morgan BOULAY et Antoine PUDEPIECE accompagnés par 33 bénévoles locaux. 18 des 33 bénévoles sont des stagiaires et des services civiques de différentes structures travaillant dans l’environnement. 146 heures ont été réalisées par ces 33 personnes entre le 06 avril 2022 et le 14 juin 2022 (date de découverte du gîte). Sans cette mobilisation considérable, les résultats obtenus auraient été totalement différents. En moyenne, chaque bénévole a investi environ 4,5 heures dans le projet.

Les deux coordinateurs ont passé 131,54 heures ou 18,8 journées de 7 heures sur le projet répartit comme indiqué dans le tableau 1.

Tableau 1 : Nombre d’heures effectuées en fonction des tâches réalisées.

63% du temps consacré par les coordinateurs consiste à réaliser du terrain à hauteur d’environ 83 heures.

Afin de trouver le gîte de Noctule commune à Glisy, 277,54 heures ont été nécessaires soit 39,6 journées de 7 heures. Ce calcul horaire ne prend pas en compte les majorations liées aux heures de nuit.

b. Les moyens matériels

Pour réaliser cette étude, plusieurs outils ont été utilisés :
• des ordinateurs pour la partie administrative, cartographique, saisie de données, communication et analyse acoustique en cas d’hésitation sur le terrain.
Les logiciels et outils utilisés sont un espace de stockage partagé ; QGIS ; Batsound ; Liste de communication interne à Picardie Nature et Clic nat (base de données régionale).
• Des téléphones portables pour coordonner les sessions de terrain.
Un groupe WhatsApp a été créé pour faciliter la coordination et motiver la mobilisation des bénévoles. De nombreuses heures ont été investies pour dynamiser le groupe.
• Des voitures pour se rendre sur le terrain.
39 sorties ont été réalisées lors de cette étude.
• Des détecteurs acoustiques pour réaliser les protocoles.
Parfois, 4 bénévoles autonomes étaient présents le même soir, ainsi 4 détecteurs à ultrasons étaient nécessaires.

Bibliographie

Arthur, L., & Lemaire, M. (2021). Les chauves-souris de France, Belgique, Luxembourg et Suisse 3e édition - Laurent Arthur,Michèle Lemaire. https://www.decitre.fr/livres/les-chauves-souris-de-france-belgique-luxembourg-et-suisse-9782366622713.html
Baillet, S. (2020). Inventaire, localisation et caractérisation des gîtes de Noctules dans le sud de l’Oise dans le cadre d’une mise à jour de l’atlas des chauves-souris des Hauts-de-France.
Barataud, M., & Tupinier, Y. (2012). Écologie acoustique des chiroptères d’Europe : identification des espèces, étude de leurs habitats et comportements de chasse. Biotope éd. Publications scientifiques du Muséum.
Bas, Y., Roemer, C., Kerbiriou, C., & Julien, J. (2020). Bat population trends. https://croemer3.wixsite.com/teamchiro/population-trends?lang=fr
Bas, Y., Roemer, C., Kerbiriou, C., & Julien, J. (2022). Maps of predicted bat distribution. https://croemer3.wixsite.com/teamchiro/maps-predicted-activity
Billard, F., & Chatton, T. (2021). Compte-rendu de la réunion du comité de pilotage régional.
Defernez, P., & Le Campion, T. (2018). Etude de la Noctule commune en Ille-et-Vilaine (35). https://gmb.bzh/wp-content/uploads/2018/03/PosterNoctuleCommune35.pdf
Kaňuch, P. (2007). Evening and morning activity schedules of the noctule bat (Nyctalus noctula) in Western Carpathians. 71(3), 126‑130. https://doi.org/10.1515/MAMM.2007.026
Kronwitter, F. (1988). Population structure, habitat use and activity patterns of the noctule bat, Nyctalus noctula Schreb., 1774 (Chiroptera : Vespertilionidae) revealed by radio-tracking.
OFB. (2022). La biodiversité en danger. https://www.ofb.gouv.fr/pourquoi-parler-de-biodiversite/la-biodiversite-en-danger
Ruczyński, I., Nicholls, B., MacLeod, C. D., & Racey, P. A. (2010). Selection of roosting habitats by Nyctalus noctula and Nyctalus leisleri in Białowieża Forest—Adaptive response to forest management ? Forest Ecology and Management, 259(8), 1633‑1641. https://doi.org/10.1016/j.foreco.2010.01.041
Silva, R. (2009). Effet des conditions météorologiques sur l’activité de chasse des chiropteres.
Swen, V. (2014). Identification des chauves-souris les plus courantes en Belgique à l’aide d’un détecteur hétérodyne.
UICN France. (2017). La Liste rouge des espèces menacées en France. UICN France. https://uicn.fr/liste-rouge-france/

Contacts :
Antoine PUDEPIECE / Morgan BOULAY
antoine.pudepiece@gmail.com / boulaymorgan@gmail.com

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